Le financement du commerce est-il à la traîne en matière de numérisation ?
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Pendant des années, voire des siècles, les produits commerciaux, à l’image des lettres de crédit, ont fait l’objet de processus complets, méticuleux, où tout était fait sur papier. Aussi rigoureux que paraissent ces processus, ce sont eux qui ont garanti la réduction des risques et le financement durant toutes ces années et qui ont permis d’augmenter les échanges mondiaux…
Étonnamment, les principes qui régissent les lettres de crédit, par exemple, n’ont pas vraiment changé au cours des dernières décennies. La dernière modification de taille, qui a surtout eu des répercussions sur la longévité plutôt que sur le fonctionnement du processus, a sans doute été l’introduction des messages SWIFT durant les années 1970. Cependant, les temps changent désormais.
Et ce qui s’est passé pour les services bancaires de détail a fortement influencé les attentes en matière de services bancaires aux entreprises, y compris en matière de financement du commerce. Néanmoins, quand il est question du financement du commerce, rien n’est jamais facile…
On pourrait dire (surtout quand on discute avec des petits traders qui doivent toujours passer par de longues procédures de traitement des lettres de crédit et compenser leurs paiements commerciaux transfrontaliers dans les temps) que le financement du commerce est à la traîne en matière de numérisation. Néanmoins, cette affirmation serait en fait erronée sur de nombreux points. En effet, nombre de solutions extrêmement innovantes sont déjà disponibles ou en cours de développement. Certaines d’entre elles sont déjà bien établies dans le secteur bancaire, par exemple MT 798 ou BPO (Bank Payment Obligation), tandis que d’autres en sont encore au stade expérimental, par exemple les chaînes de blocs ou les plateformes commerciales basées sur des chaînes de blocs.
Le BPO, une autre solution fournie par SWIFT, avait pour objectif de remplacer la lettre de crédit traditionnelle, combinant « des règles juridiquement contraignantes avec des capacités de messagerie et de rapprochement et vérification électroniques ».
Certaines banques vont même plus loin en ayant recours à la technologie des chaînes de blocs dans le cadre de leurs processus commerciaux. L’année dernière, afin de financer la livraison de graines de soja depuis l’Argentine vers la Malaisie, HSBC a ainsi émis une lettre de crédit pour Cargill, une entreprise agricole américaine. L’échange a été réglé en 24 heures seulement et est entré dans l’histoire comme la toute première transaction de financement du commerce au monde réalisée à l’aide des chaînes de blocs.
Il y a peu encore, seuls les systèmes « Single Window », un système de facilitation des échanges, semblaient tenir la route. Aujourd’hui, d’autres systèmes fonctionnent parfaitement bien, à l’image de we.trade, qui regroupe déjà douze grandes banques internationales.
Les grands acteurs du monde bancaire ont évidemment décidé de s’unir et d’avoir recours tant à des start-ups qu’à des entreprises IT expérimentées pour favoriser les initiatives numériques. Il est évident que SWIFT joue un rôle clef en matière de numérisation des flux commerciaux. Toutefois, aucune de ces tentatives ne portera complètement ses fruits tant qu’une majorité d’acteurs n’aura pas rejoint cette chaîne de services numériques.
Les raisons sont multiples. Un budget limité consacré à l’innovation. D’anciennes pratiques. Des obstacles d’ordre juridique. Une crainte de la nouveauté. Cependant, je dirais que l’élément qui les a le plus ralentis, c’est le fait que, pendant longtemps, les traders n’ont eu que peu, voire aucune alternative, aux produits commerciaux traditionnels. Ce manque de concurrence, qui a duré des années, a conforté les banques dans l’utilisation de leurs processus commerciaux.
Et c’est là que le bât blesse : pendant des années, les banques ont fondé le traitement de leurs opérations sur les produits et non sur les clients, ce qui a fragmenté le processus et l’a rendu fastidieux. Ce n’est pas la bonne méthode : seule une approche orientée vers le client favorise véritablement l’innovation et permet aux banques de conserver une forme de pertinence aux yeux de leurs clients à « l’ère des chaînes de blocs ».
Sans oublier les délais liés simplement à la non-conformité des documents. Ajoutez-y les difficultés en matière de suivi des paiements transfrontaliers et les coûts additionnels des paiements transitant par de nombreux correspondants et vous obtenez des coûts de réduction des risques très élevés, que toutes les entreprises ne sont pas en mesure d’assumer. Un casse-tête pour les banques et les traders.
Une première solution serait de transformer cette approche fragmentée, basée sur les produits, en un flux de tâches axé autour du parcours client. La première étape serait ainsi de s’assurer que l’ensemble du cycle de vie du produit commercial est traité numériquement (ouverture, amendement, transaction, clôture, sans aucun rendez-vous en agence).
Évidemment, cela requiert une interface frontale sophistiquée pour le client, qui soit accessible depuis plusieurs canaux, ainsi que la possibilité d’établir une communication numérique entre la banque et le client. C’est une fois ce système mis en place que les banques peuvent envisager d’autres innovations.
Toutefois, le principal problème n’est pas de modifier les technologies et la manière d’effectuer des transactions. Souvent, c’est l’état d’esprit, mais aussi un manque de volonté et le refus d’investir dans cette transition qui s’avèrent des obstacles plus importants encore. Cela peut certes être lié à un manque de clarté quant aux coûts et répercussions de tels investissements. Néanmoins, une approche orientée client ne doit pas obligatoirement être synonyme de coûts importants. Au contraire, se départir d’un processus de traitement chronophage, manuel et fondé sur des documents papier tout en automatisant certains processus permet de réaliser d’importantes économies à long terme et d’améliorer la rentabilité du traitement des opérations.
Aleksandra Grzegorczyk, Gestionnaire de produits de financement du commerce, Comarch
Étonnamment, les principes qui régissent les lettres de crédit, par exemple, n’ont pas vraiment changé au cours des dernières décennies. La dernière modification de taille, qui a surtout eu des répercussions sur la longévité plutôt que sur le fonctionnement du processus, a sans doute été l’introduction des messages SWIFT durant les années 1970. Cependant, les temps changent désormais.
Soit, où en sommes-nous aujourd’hui ?
Tout a débuté avec la numérisation rapide de la banque de détail. La forte concurrence dans ce secteur ainsi que les avancées technologiques réalisées à la fin du siècle dernier ont transformé le concept d’un accès totalement numérique aux services bancaires… en une forme de réalité. Par conséquent, aujourd’hui, nos smartphones sont devenus nos banquiers.Et ce qui s’est passé pour les services bancaires de détail a fortement influencé les attentes en matière de services bancaires aux entreprises, y compris en matière de financement du commerce. Néanmoins, quand il est question du financement du commerce, rien n’est jamais facile…
On pourrait dire (surtout quand on discute avec des petits traders qui doivent toujours passer par de longues procédures de traitement des lettres de crédit et compenser leurs paiements commerciaux transfrontaliers dans les temps) que le financement du commerce est à la traîne en matière de numérisation. Néanmoins, cette affirmation serait en fait erronée sur de nombreux points. En effet, nombre de solutions extrêmement innovantes sont déjà disponibles ou en cours de développement. Certaines d’entre elles sont déjà bien établies dans le secteur bancaire, par exemple MT 798 ou BPO (Bank Payment Obligation), tandis que d’autres en sont encore au stade expérimental, par exemple les chaînes de blocs ou les plateformes commerciales basées sur des chaînes de blocs.
Des innovations accessibles uniquement aux grands acteurs ?
Le MT798, développé pour accélérer la communication entre les banques et les entreprises, a permis d’accélérer les flux d’informations liés aux transactions en matière de financement du commerce. Néanmoins, cette solution profite surtout aux grandes entreprises qui disposent de l’infrastructure nécessaire permettant l’utilisation directe des messages SWIFT.Le BPO, une autre solution fournie par SWIFT, avait pour objectif de remplacer la lettre de crédit traditionnelle, combinant « des règles juridiquement contraignantes avec des capacités de messagerie et de rapprochement et vérification électroniques ».
Certaines banques vont même plus loin en ayant recours à la technologie des chaînes de blocs dans le cadre de leurs processus commerciaux. L’année dernière, afin de financer la livraison de graines de soja depuis l’Argentine vers la Malaisie, HSBC a ainsi émis une lettre de crédit pour Cargill, une entreprise agricole américaine. L’échange a été réglé en 24 heures seulement et est entré dans l’histoire comme la toute première transaction de financement du commerce au monde réalisée à l’aide des chaînes de blocs.
Il y a peu encore, seuls les systèmes « Single Window », un système de facilitation des échanges, semblaient tenir la route. Aujourd’hui, d’autres systèmes fonctionnent parfaitement bien, à l’image de we.trade, qui regroupe déjà douze grandes banques internationales.
Les grands acteurs du monde bancaire ont évidemment décidé de s’unir et d’avoir recours tant à des start-ups qu’à des entreprises IT expérimentées pour favoriser les initiatives numériques. Il est évident que SWIFT joue un rôle clef en matière de numérisation des flux commerciaux. Toutefois, aucune de ces tentatives ne portera complètement ses fruits tant qu’une majorité d’acteurs n’aura pas rejoint cette chaîne de services numériques.
Mais pourquoi tant d’acteurs sont-ils encore à la traîne ?
Avant tout, n’oublions pas que de nombreuses banques éprouvent encore des difficultés à transformer leurs processus commerciaux chronophages et réalisés sur papier en flux de tâches numériques. Si le concept des chaînes de blocs paraît enthousiasmant, pour ces banques et leurs clients, cela reste un simple terme à la mode. Mais pourquoi ?Les raisons sont multiples. Un budget limité consacré à l’innovation. D’anciennes pratiques. Des obstacles d’ordre juridique. Une crainte de la nouveauté. Cependant, je dirais que l’élément qui les a le plus ralentis, c’est le fait que, pendant longtemps, les traders n’ont eu que peu, voire aucune alternative, aux produits commerciaux traditionnels. Ce manque de concurrence, qui a duré des années, a conforté les banques dans l’utilisation de leurs processus commerciaux.
Et c’est là que le bât blesse : pendant des années, les banques ont fondé le traitement de leurs opérations sur les produits et non sur les clients, ce qui a fragmenté le processus et l’a rendu fastidieux. Ce n’est pas la bonne méthode : seule une approche orientée vers le client favorise véritablement l’innovation et permet aux banques de conserver une forme de pertinence aux yeux de leurs clients à « l’ère des chaînes de blocs ».
Orientez vos processus autour de vos clients !
À l’heure actuelle, le traitement d’une lettre de crédit est souvent perturbé et ralenti par la nécessité de demander les financements séparément. Ou les réductions. Ou le change de devises. Et ainsi de suite.Sans oublier les délais liés simplement à la non-conformité des documents. Ajoutez-y les difficultés en matière de suivi des paiements transfrontaliers et les coûts additionnels des paiements transitant par de nombreux correspondants et vous obtenez des coûts de réduction des risques très élevés, que toutes les entreprises ne sont pas en mesure d’assumer. Un casse-tête pour les banques et les traders.
Une première solution serait de transformer cette approche fragmentée, basée sur les produits, en un flux de tâches axé autour du parcours client. La première étape serait ainsi de s’assurer que l’ensemble du cycle de vie du produit commercial est traité numériquement (ouverture, amendement, transaction, clôture, sans aucun rendez-vous en agence).
Évidemment, cela requiert une interface frontale sophistiquée pour le client, qui soit accessible depuis plusieurs canaux, ainsi que la possibilité d’établir une communication numérique entre la banque et le client. C’est une fois ce système mis en place que les banques peuvent envisager d’autres innovations.
Toutefois, le principal problème n’est pas de modifier les technologies et la manière d’effectuer des transactions. Souvent, c’est l’état d’esprit, mais aussi un manque de volonté et le refus d’investir dans cette transition qui s’avèrent des obstacles plus importants encore. Cela peut certes être lié à un manque de clarté quant aux coûts et répercussions de tels investissements. Néanmoins, une approche orientée client ne doit pas obligatoirement être synonyme de coûts importants. Au contraire, se départir d’un processus de traitement chronophage, manuel et fondé sur des documents papier tout en automatisant certains processus permet de réaliser d’importantes économies à long terme et d’améliorer la rentabilité du traitement des opérations.
L’union fait la force
Bien entendu, par rapport à d’autres secteurs bancaires, le commerce est en effet à la traîne. Mais ce retard est avant tout lié à la taille des innovations plutôt qu’au manque d’innovation en soi. Il est avant tout essentiel d’admettre que le processus de numérisation doit pousser à une union entre les banques et à un dialogue avec leurs clients. Une fois ceci acquis, les résultats n’en seront que bénéfiques pour toutes les parties.Aleksandra Grzegorczyk, Gestionnaire de produits de financement du commerce, Comarch