Pourquoi les spécialistes du marketing doivent faire évoluer leur vision du genre

Aujourd'hui, il est essentiel d’adopter une définition moins étroite du genre pour la croissance et la conquête des publics comme la Génération Z. Cela doit démarrer dès la conception des produits et s’étendre jusqu’à la création des campagnes marketing.

Une campagne Starbucks au Royaume-Uni a récemment fait parler d’elle car elle liait une action normale pour la chaîne (les clients qui font inscrire leur nom sur les tasses) à un moment ayant une grande importance personnelle : lorsque les personnes transgenres changent de nom afin de mieux refléter leur nouvelle identité. 

Développé avec l'agence de publicité Iris et soutenu par l'organisation de la jeunesse transgenre Mermaids, le spot "What's your name" de Starbucks joue avec la tendance organique des réseaux sociaux où les consommateurs en transition expliquent la façon dont ils ont pu expérimenter leurs changements de nom en passant leurs commandes chez Starbucks. L'effort créatif aurait pu être considéré comme radical il y a seulement quelques années mais aujourd’hui cela s’inscrit dans un nouveau paradigme du genre que les marketeurs doivent maintenant prendre en considération. 

  

  

De plus en plus de recherches indiquent qu’il faut dorénavant penser aux genres de manière moins restrictives et pas seulement en ciblant le public LGBT+. Des équipes internes dédiées à la stratégie d'approche des consommateurs et à la conception des produits, ont défini qu'adopter des paramètres de genres moins étroits pourrait s'avérer particulièrement crucial pour convaincre les jeunes consommateurs qui acceptent - et même exigent - une représentation plus diversifiée. 

“La conviction qu’il doit y avoir une égalité autour de la couleur de peau, du genre et des préférences sexuelles se renforce de plus en plus chez les jeunes générations" a déclaré Dipanjan Chatterjee, vice-président, analyste principal chez Forrester et auteur d'un récent rapport de recherches sur les raisons pour lesquelles les marques doivent adopter une approche différente du genre.

"C'est la nouvelle normalité. Ce n'est pas un sujet de discussions ou de débat ; C'est la vie", a déclaré M. Chatterjee.

Les groupes de jeunes consommateurs exigent également des marques plus responsables, ce qui amplifie les pressions exercées et favorise les changements puisque la publicité et les médias sont le plus souvent les arbitres de ce qui constitue la représentation du grand public. Développer maintenant une stratégie inclusive pourrait être à la fois un moyen pour les spécialistes marketing (qui appliquaient auparavant une vision limitée du genre) de se corriger et un moyen d'éviter les accusations de woke-washing (pratique publicitaire ou communicationnelle qui consiste à revendiquer un engagement pour une cause sans que cet engagement déclaré se traduise réellement dans les faits), car l’appétit pour les marques utiles et authentiques qui s’impliquent et réalisent de réels changements n’a jamais été aussi fort.

"Pour la plupart, nous adhérons toujours à cette conception très sexuée du client", a déclaré M. Chatterjee. "Quand on commence à décortiquer les couches et à creuser plus profondément, on se rend compte à quel point cette notion est, dans un certain sens, insidieuse et profondément ancrée dans le marketing".

Reflet de la société

Le mouvement visant à reconnaître davantage de consommateurs transgenres et non binaires s'inscrit dans une rupture plus large face à l’approche rigide des genres dans le marketing. Il existe quelques cas remarquables en dehors de Starbucks.

Always, la marque de protection et d’hygiène féminine de Procter & Gamble a retiré à l’automne dernier le symbole “Vénus” qui représentait la femme sur ses packaging, cette action montre une reconnaissance envers les hommes transgenres qui peuvent également avoir leurs règles. Gillette, une autre marque de P&G, a plus récemment lancé une campagne de vidéos sociales montrant le premier rasage d'un adolescent transsexuel. Et Coca-Cola a brièvement présenté une personne avec les pronoms they/them dans une publicité pour le Super Bowl en 2018.

  

"C'est la nouvelle normalité. Ce n'est pas un sujet dont les gens discutent et débattent, c'est la vie".

Dipanjan Chatterjee
Vice-président, analyste principal, Forrester

  

Cependant, la plupart des campagnes ne reflètent pas les grandes tendances démographiques. La moitié des femmes et quatre hommes sur dix aux États-Unis pensent désormais qu'il existe un spectre d'identités de genres, selon un récent sondage Ipsos intitulé "The Future of Gender is Increasingly Nonbinary". En outre, 16% des personnes interrogées ont déclaré connaître une personne qui s'identifie comme transsexuelle, selon Ipsos. On peut difficilement prétendre que ce type de familiarité est représenté avec exactitude dans la publicité et lors de la conception des produits, mais il est peut-être possible de combler ces lacunes pour les spécialistes du marketing. 

"Il en va de la responsabilité des entreprises de comprendre comment le monde se reflète aujourd’hui ... Il y a beaucoup de recherches pour créer des produits un peu plus neutres", a déclaré Oscar Yuan, président de la division Strategy3 d'Ipsos. 

À une époque où les directeurs marketing voient la stabilité de leur emploi s'affaiblir, trouver une cause à défendre peut être une bouée de sauvetage. Selon M. Yuan, une meilleure compréhension du paradigme moderne et de l'égalité des sexes est une opportunité, même si les directeurs marketing doivent faire preuve de sensibilité et être à l'écoute des autres départements comme les Ressources Humaines. 

"Avoir une compréhension de ce qui se passe réellement est le rôle du directeur marketing", a déclaré M. Yuan. "Il faut un expert."

Les perturbateurs mènent le peloton

Certains spécialistes marketing pourraient encore hésiter à aborder les changements dans la représentation des sexes étant donné l'intense réaction négative aux campagnes qui ont déferlé sur le territoire ou qui ont touché à des domaines connexes, comme la masculinité toxique. Les marques ayant une large présence nationale, en particulier, pourraient avoir le sentiment qu'elles risquent de s'aliéner par rapport à leur public.  

"Il est plus facile pour une marque de niche, de s'en sortir avec ces sujets là", a déclaré M. Chatterjee. "Cela vous permet, en tant que marque, de faire des déclarations très fortes sans trop de répercussions".

Mais les marques qui prennent de réels risques sont de plus en plus visibles, à mesure que la politique s'infiltre dans la sphère marketing. Certains marketeurs perdent des parts de marché au profit d'une série de marques de vente directe aux consommateurs (DTC) qui elles, sont en tête dans les conversations importantes, notamment en ce qui concerne l'élimination des normes de genre.

"Ces marques de niches sont ce que l'on pourrait considérer comme évoluées et émancipées", a déclaré M. Chatterjee à propos des DTCs.

Dans son rapport, Forrester évoque le travail de Billie, une startup qui vend des rasoirs et qui concentre une grande partie de ses messages sur les poils du corps féminin. M. Chatterjee a fait remarquer que de nombreuses publicités de Billie sont intentionnellement provocatrices, mais attirent l'attention sur le fait que les poils corporels sont un sujet tabou pour les femmes - une hypocrisie qui est appliquée depuis des décennies, en partie à cause de la publicité de la vieille garde du secteur des produits emballés. 

Lorsque nous créons des personas, nous avons tendance à penser aux "mères de famille", etc. "Ce que Billie nous dit ici "c’est, écoutez, c'est un concept bidon, et nous allons juste nous occuper de vous en tant qu'individu, et non pas d'une sorte de corrélation sociétale en rapport avec votre sexe".

L'acquisition d'une marque comme Billie - qui fait suite à des acquisitions similaires du géant CPG basé à Cincinnati - est un autre point clé de l'évolution du débat sur le genre : les marques progressistes peuvent renforcer leurs résultats et ainsi prendre l'avantage sur leurs concurrents. 

"Vous pouvez en parler toute la journée, mais si ce n'est pas bon pour les affaires, les marques ne bougeront pas", a déclaré M. Yuan. "Il y a très peu de marques qui font réellement quelque chose pour le changement ou la justice sociale".

Gérer les risques

Cela ne veut pas dire que les spécialistes du marketing doivent simplement suivre les bénéfices quand il s'agit de repenser leur approche de la représentation des sexes dans le marketing. Les marques qui se lancent sur un sujet aussi délicat sans s'assurer qu'elles ont rendu compte de leur histoire ou de leurs pratiques commerciales en arrière-plan peuvent instiguer un grand nombre de réactions très négatives.

"Si c'est juste une campagne marketing et pas une conviction profonde, je pense que vous vous tirez une balle dans le pied", a déclaré M. Chatterjee.

Les pratiques internes en matière de ressources humaines et de soins de santé sont particulièrement cruciales lorsqu'il s'agit de développer des campagnes inclusives. Starbucks a reçu des éloges pour "What's your name", mais aussi des critiques. 

Des employés transgenres qu’ils soient actuels ou anciens ont déclaré à BuzzFeed News que la chaîne n'était pas toujours accommodante quand il s’agissait de reconnaître la transition ou de soutenir les employés lors d’un traitement médical qui leur permettait d’affirmer leur sexe. Starbucks a refusé de commenter les allégations individuelles de BuzzFeed News, mais a souligné, par l'intermédiaire de son porte-parole, qu'elle a fourni des directives sur la transition sexuelle sur le lieu de travail et a couvert la chirurgie de réaffectation pendant des années. 

  

"Si ce n'est pas bon pour les affaires, les marques ne bougeront pas. Il y a très peu de marques qui font réellement quelque chose pour le changement ou la justice sociale". 

  
Oscar Yuan
Président, Ipsos Strategy3

  

Selon M. Yuan, les efforts d'intégration de la dimension de genres se heurtent à un certain contrecoup et les marques doivent être bien conscientes qu'il y aura des faux pas en cours de route. Un plus grand risque, a averti M. Yuan, serait de ne pas faire d'effort du tout. 

"La question clé est de comprendre qui sont vos clients, quelles sont leurs valeurs, puis de s'adapter comme il se doit, mais sans se détourner de la discussion", a déclaré M. Yuan.

"Il y a beaucoup de discussions approchent en douceur du sujet et qui n'ont pas besoin d'être aussi agressives que de dire que nous nous dirigeons vers un monde non binaire", a-t-il ajouté. "C'est ainsi que le changement se produit. Vous poussez la bonne information aux bons endroits, et ensuite les choses se déroulent tranquillement".

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Source Retaildive